Thibault Poiron, ami et poète, diplômé en lettres modernes





Poésie ouvrière : deux termes qui d'emblée peuvent paraître dissonants, voire antinomiques.

D'un côté la poésie : genre noble de la littérature, genre très codifié, élitiste, supérieur, art suprême, art de cour. De l'autre côté l'ouvrier, avec tout ce que le mot charrie de représentations négatives, largement héritées du XIXe siècle : alcoolisme, inculture, bêtise, misère.

Pourtant, de 1830 à 1848, des ouvriers et des ouvrières ont produit et publié de manière autonome, grâce notamment à des journaux écrits par et pour les travailleurs, de nombreux textes poétiques, salués ou même préfacés par les auteurs romantiques les plus célèbres de cette période (Hugo, Lamartine...)

L'oubli, voire l'effacement de cette poésie ouvrière tient certainement plus à des raisons politiques qu'à des questions esthétiques. Voilà les ouvriers qui se mettent à écrire, et même à écrire en vers ! Si une partie de la bourgeoisie lettrée du XIXe siècle moque le style des travailleurs-écrivains, c'est en réalité l'effraction même des ouvriers dans le champ littéraire qui lui est insupportable. Le temps de l'écriture n'est pas un temps de repos, dévolu à la récupération de la force de travail. Il est une tentative d'émancipation. La poésie ouvrière n'est pas une lubie : elle est déclaration de puissance.

Cette soirée fait partie du Doctorat Sauvage En Architecture (voir le programme ici).